Sandrine Nail Billaud - Interview sur le MDS & son alimentation
Sandrine NAIL BILLAUD, Collaboratrice du magazine Running Attitude et Pharmacien Conseil DocMorris.
Comment abordes-tu la partie alimentation pour la course ? Certes des contraintes réglementaires (2000 kcal par jour par exemple à prendre en compte), mais au-delà de ça ?
Le Marathon des Sables est une course où le fait d’être en autosuffisance alimentaire peut générer des inquiétudes. L’alimentation et la préparation de ses pieds sont les deux peurs du futur coureur. Pour l’alimentation, deux craintes : ne rien manquer et devoir tout porter !
Il faut donc réussir à gérer de quoi manger avec les saveurs que l’on aime, en optimisant le poids de son sac !
Oui, mais la crainte de manquer ?
Alors on fait au mieux en choisissant surtout les plats qui nous plaisent, et si on a un peu trop, on troque avec le voisin quand le taboulé que l’on adorait tous les midis, froid, nous sort par les yeux au 4ème jour sous le soleil et qu’on rêve en fait d’un poulet riz au curry !
Il est bien de prévoir pour le retour de l’étape un plat qui se mange froid, le fameux taboulé par exemple et surtout garder pour le soir un vrai plat plaisir. Je préfère les pâtes au fromage ou encore le poulet riz épicé qui donne encore plus chaud mais qui réconforte. Une préférence aussi pour la viande séchée (et pour le vrai saucisson), et surtout le salé - même si au fond du sac traine un petit sac de bonbons colorés au chocolat connu pour ne pas fondre dans la main pour la fin du MDS !
Des erreurs à éviter ?
Ne pas choisir des plats où il faut beaucoup d’eau ! Cela prend du temps de faire un feu et de faire chauffer son eau. Ne pas tenter des nouveautés ou des plats type raclette ou aligot que l’on n’a pas testé avant !
Penser aussi que le jour où ce n’est pas possible d’allumer du feu, il faudra manger froid, et donc attendre plus longtemps pour la réhydratation des plats.
Ne pas oublier de noter la quantité d’eau qu’il faut quand on déconditionne ses produits pour les reconditionner en version plus light, car un plat lyophilisé reconstitué avec trop d’eau, et bien… ce n’est pas bon ! Même si finalement cela se termine par faire de « l’ à-peu-près » ensuite dans le désert !
Est-ce que tu testes les produits en amont ?
Avant la pandémie du Covid-19, j’aurais dit non. C’était sans compter sur le premier confinement où, surprise par la réalité de la situation, j’enchaînais mes gardes et mes astreintes médicales sans avoir le temps de faire des courses. Avec le MDS 2020 reporté, j’ai mangé toute ma ration prévue pour cette course en une semaine. Donc oui, j’ai déjà tout testé !
Au final, c’est important car les choix proposés par Lyophilise & Co sont énormes en termes de marques et de goûts. Cela permet aussi de se rendre compte de certaines quantités comme pour les petits déjeuners qui peuvent faire deux rations par exemple.
Maintenant, après un premier MDS, je sais ce que je prendrai de nouveau ou pas !
Comment prépares-tu ton lyophilisé pendant la course ? Comment chauffes-tu l'eau ? Où mets-tu ton lyophilisé pour le réhydrater et le consommer ?
Je fonctionne avec la popote Esbit qui comprend le réchaud à alcool, mais comme il n’est pas rare qu’un feu soit déjà allumé sur le bivouac avec du vrai bois, toute la tente en profite. Malgré tout, j’avoue que n’arrivant pas dans les premières à la tente, j’ai souvent fait chauffer mon eau dans ma popotte avec une pastille en grande quantité pour pouvoir réhydrater une soupe et un plat chaud. Le matin, pour ma dosette de café, soit je profitais d’un fond d’eau chaude d’un coureur, soit froid : on s’adapte et c’est ça qui est chouette !
Je fonctionne ensuite avec le petit bol rouge repliable de Lyophilise and Co dans lequel je verse mon produit et ensuite l’eau par-dessus. Mais pour la soupe ou les compotes, c’est le fond d’une bouteille en plastique vide que j’ai préalablement découpée qui est le must have du bol tendance sur le bivouac !
J’ai aussi une cuitochette encore appelée « spork » (eh oui, cuillère, couteau et fourchette tout en un…) en titane ultra légère et hop le tour est joué. Je me suis rendue compte cette année où la chaleur a été terrible (plus de 50°C chaque jour) que manger même chaud est tellement réconfortant pour le corps et l’esprit, et encore plus lorsque ce sont des pâtes au fromage.
Est-ce que tu respectes le temps d'hydratation ? Ou tu attends plus ?
En général non, mais je me force à attendre car je sais que sinon cela va crisser sous la dent et ça je n’aime pas trop… Alors j’en profite pour faire (et surtout penser à) autre chose : lessive, papotage avec les amis dans la tente, convivialité, prendre tout simplement le temps de…
Comment t'hydrates-tu pendant la course ?
Pour le MDS 2021, nous savions avant de partir que les températures seraient hors-normes, donc j’avais prévu deux flasques de 600 ml dans chaque bretelle de mon sac, un espace dédié pour une bouteille d’1,5L sur l’avant de mon sac, et éventuellement un autre moyen de caler une autre bouteille d’1,5 litre au cas où. Et ce « au cas où » ne fut pas de trop ! Les températures de plus de 122°F ont mis à mal les organismes, nécessitant de s’hydrater souvent par petites gorgées, mais aussi de se mouiller régulièrement la tête sur la casquette pour résister à cette chaleur infernale.
Je ne bois que de l’eau… et les pastilles de sel données par l’organisation : 1 ou 2 pastilles tous les 5km.
Comment récupères-tu le soir, avec quel type de produits ?
J’ai tellement pris de produits de récupération post-marathon sur route que j’avoue être dégoutée par beaucoup de goûts, alors je prends des soupes de légumes avec du saucisson et de la viande séchée. Et surtout, je bois toujours beaucoup le soir, quitte à me lever la nuit pour faire pipi dans le désert !
Je garde le sucré pour le matin, au petit-déjeuner. Que ce soient des sachets de fruits rouges lyophilisés, un muesli chocolat ou mon péché mignon : la barre Kokos de Rapunzel à la noix de coco (ultra réconfortant).
Comment reconditionnes-tu tes produits ?
Ce fut le grand casse-tête de cette année : Sous vide ? Pas sous vide ? Bref il faut bien une demi-journée (voire plus) pour tout défaire et refaire de manière à ce que cela prenne moins de place. J’ai un fichier Excel avec les noms, calories et poids des produits que j’ai choisi et je fais un grand sac par jour avec tout dedans de J1 à J7. Puis, jour après jour, je déconditionne et j’utilise une scelleuse pour les sacs plastiques légers, mais sans faire le vide pour garder de la souplesse au niveau de mes sachets et pour qu’ils prennent bien la forme du sac ensuite. J’écris alors le nom du produit, la quantité d’eau à ajouter et le nombre de calories sur chaque sachet. Chaque jour est ensuite regroupé dans un sac congélation ultraléger marqué au marqueur permanent. Dans ces cas-là, je sors le sac correspondant qui contient tout : petit déjeuner, dosette de café, en cas du matin, grignotage de journée, plat du soir, etc.
Et pour conclure, pourrais-tu nous en dire un peu plus pour toi ?
Sandrine NAIL BILLAUD, 50 ans, maman de 3 enfants, pharmacien conseil de Doc Morris, Collaboratrice de la revue Running Attitude, mais aussi Maître de conférences en Immunologie et Biologiste praticien hospitalier au CHU Angers.
A la base, je suis une coureuse de bitume avec une vingtaine de Marathons à mon actif, mais aussi des semi-Marathons et des 10 km. J’ai aussi été meneuse d'allure pendant plusieurs années au sein du Club Run and Freedom pour mener les gens à leur objectif de temps sur les grandes courses partout en France.
En 2019, j'ai eu l'occasion de participer à une étape découverte presse du MDS. Suite à cela, j’ai enchainé avec une participation au Half Marathon des Sables suite au décès brutal de mon père. L'isolement pendant la course dans le désert et la convivialité, l'entraide et les rencontres au bivouac me feront faire mon deuil sans douleur et en toute sérénité. Tout cela me conforte définitivement que le désert est fait pour moi.
Je rêve alors d'une vraie course en autonomie totale dans le désert. Je prends donc le départ en 2021 au Marathon des Sables sur une édition que personne n'oubliera jamais : une chaleur hors norme (plus de 55 degrés au quotidien), plus de 50% d'abandon et un décès d'un participant dès le second jour. Pour moi c'est un début d'ischémie intestinale et une déshydratation qui mettront un terme à cette édition sur l'étape longue du MDS pour raison médicale.
Niveau organisation, j'arrive généralement tard après les autres dans la tente, alors les cailloux ont été enlevés sous ma place, le feu est fait et moi je réconforte. Je fais aussi les soins quand ils sont légers et à ma portée, sinon l'équipe médicale du MDS est au top pour tout cela.
Alors bien sûr j'ai envie de repartir, de finir, d'être finisher, de recevoir des mains de Patrick Bauer cette médaille tant désirée avec la fierté dans ses yeux et les larmes dans les miens. J'ai envie de retrouver cette solidarité du bivouac. Je veux repartir pour gérer mon autonomie alimentaire, gérer mes forces et mes ressources pour finir & emporter des snacks plaisirs (en clair du saucisson) pour chaque étape du jour.